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Photo du rédacteurludivine hudaverdian

Ne rien faire pour mieux agir !

Dernière mise à jour : 11 oct. 2020


Je suis installée dans un café à Kuala Lumpur, j’ai commandé un café frappé. J’ai l’habitude de venir ici pour travailler, écrire et regarder des vidéos inspirantes. J’ai donc l’ordinateur ouvert, le téléphone, un livre et mon journal de bord avec plusieurs stylos posés là sur la table. On m’apporte mon café, je me connecte au wi-fi et commence mes différentes tâches. Je suis en plein visionnage d’une vidéo TEDx dont le sujet est « Le bonheur est dans votre esprit » raconté par une nonne bouddhiste, quand un jeune homme arrive et s’installe sur la table d’en face. Je n’ai pas fait attention au début car je suis dans la vidéo, mais après quelques minutes, je pose mon regard sur lui et je le vois regarder dans le vide, mais sans être réellement pensif.


Il n’a rien, pas d’ordinateur, pas de téléphone, juste un verre d’eau posé devant lui.

Les personnes dans le café font toutes quelque chose. Un couple discute derrière, une jeune fille est au téléphone, un homme regarde son téléphone, un autre travaille sur son ordinateur, des amies se prennent des selfies et les serveurs discutent entre eux en rigolant. Mais ce jeune homme, lui, est silencieux. Ses mains sont posées sur la table. Il ne regarde pas partout, il attend patiemment sa commande sans rien faire. Il ne regarde pas les gens, il a le regard vers le bas, dans le vague mais il ne donne pas l’impression de rêver, il semble présent. et même pas pensif. Après un moment il se lève et se dirige à une autre place, sur un petit canapé, il se pose là, le dos droit, les mains posées sur ses genoux et attend, toujours sans rien faire. Après environ 15 minutes sa commande arrive. C’est un gros hamburger joliment présenté sur un plateau avec des chips. On lui dépose sur la table. Il se penche, regarde son sandwich, soulève le pain et puis l’examine sous différents angle. Il le mange et il s’en va.


Pendant qu’il attendait patiemment je me suis alors fait la remarque que c’est assez rare de voir cela. Sérieusement, avez-vous souvent vu quelqu’un entrer dans un café ou un restaurant, se poser pour attendre sa commande, bon jusque là oui vous me direz, mais sans rien faire? Forcément çà interpelle et là on commence inconsciemment à se dire plein de choses pour “rationaliser” la rareté. “Il doit attendre quelqu’un, il a oublié son téléphone, il est triste, il s’ennuie, il est bizarre, il est dépressif,...”. C’est là que cela interpelle. . Enfin moi cela m’a interpellé. Non son comportement mais les pensées plutôt négatives qui peuvent venir liées au décalage avec le comportement que nous avons l’habitude d’avoir : toujours être occupé à quelque chose.


Cela m’a rappelé un passage du livre de Thich Nhat Hanh Peace is every step(1) où il encourage la méditation dans de nombreuses situations et explique qu’un jour il s’est même assis par terre dans un aéroport pour méditer, qu’il a senti les regards mais qu’au bout de quelques minutes il n’y faisait plus attention. Mais ce n’est pas commun de ne rien faire et c’est plutôt mal perçu. “Mais t’as rien à faire?”, “Reste pas là à rien faire”, “Il est trop occupé à ne rien faire”... Mais çà veut dire quoi en fait “ne rien faire”? On ne le définit que par ce qui s’ y oppose : “les actions”. Ne rien faire, c’est quand tu n’as pas quelque chose à faire, une activité, une occupation, un truc quoi. Ah bah voilà c’est beaucoup plus clair. Et donc ne pas avoir quelque chose à faire, ce n’est pas bien. J’aurai envie de demander “pourquoi c’est bien de ne rien faire” mais je préfère la question “Pourquoi ‘ne rien faire’ est finalement jugé négativement?”. Si vous jetez un œil dans le dictionnaire des synonymes vous trouverez cela :


“Faire(ne rien)” : végéter, être sur le pavé, se tourner les pouces, glander, enfiler des perles, zoner, chômer, buller,...peigner la girafe. Le dernier je n’ai pas compris, j’imagine que çà prend du temps de peigner une girafe...


Bref ce n’est pas très réjouissant de ne rien faire apparemment. C’est associé à l’oisiveté et à la perte de temps. Nous n’avons pas le temps de ne rien faire ou pas assez de temps, pour les plus ouverts. On doit être occupé et surtout ne pas perdre une seconde, ne pas perdre du temps. Comme si c’était possible, comme si on contrôlait le temps. Mais c’est une autre question. On est stimulé en permanence, et encore plus avec les nouvelles technologies. Le smartphone est une catastrophe pour le “rien faire”. Il y a tout dessus et toujours quelque chose à regarder dans n’importe quelle situation. Les jeux, les médias, les communautés, la musique, le compteur de pas, l’appareil photo, la banque, les snaps, la boite mail, la pizzeria, l’éditeur photo, le piano... Des applis à en perdre la tête... et parfois son temps. On fait toujours quelque chose donc. Même sans smartphone, pour peu qu’on ne l’emporte pas pour faire une ballade en forêt, contempler une fleur c’est faire quelque chose.


Mais ne rien faire du tout et être juste avec soi-même alors... Combien de minutes par jour prenez vous avec vous-même?


Zut, la situation est critique alors que c’est vital de ne rien faire! Les scientifiques sont d’accord avec les bouddhistes. Ne rien faire facilite la synthèse, la créativité, le repos, l’introspection, la productivité et la santé mentale.


Ne Rien faire pour soulager le cerveau Les neuropsychologues sont les premiers à le dire, cela permet au cerveau de faire du tri entre les informations récentes et anciennes, de synthétiser, et des fois mêmes d’avoir des grandes idées ou des réponses sans qu’on ait eu à les chercher, puisque le cerveau y voit plus clair.

Je cite souvent Aristote, quand je coach sur la négociation en particulier, qui dit “La nature a horreur du vide”, mais ce n’est pas tout à fait vrai. En fait les vides sont autant la cause des propriétés de la matière que les pleins. Vous allez penser que je m’égare et digresse un peu trop mais on est en plein dans la physique quantique (2). Les principes quantiques montrent que le vide est en réalité rempli d’énergie! On parle même d’énergie du vide. Et nous on s’obstine à vouloir sans cesse nous occuper dès qu’il y a un moment de vide, en passant finalement à côté de précieux moments énergétiques!

“Les vides sont autant la cause des propriétés de la matière que les pleins !”


Ne Rien faire pour mieux méditer J’ai beaucoup lu Thich Nhat Hanh, un de mes mentors. Et il dit ce ceci à propose de la méditation : “Imaginez des arbres rassemblés dans une forêt. Ils ne parlent pas, mais ils sentent la présence de chacun. Quand vous les regardez, vous pourriez dire qu’ils ne font rien. Mais ils grandissent et fournissent de l'air pur aux êtres vivants. Au lieu de décrire la méditation assise comme une pratique de concentration, de recherche de profondeur et de perspicacité, j'aime décrire celle-ci comme profiter de ne rien faire. S'asseoir, c'est avant tout profiter du plaisir d'être assis, d'être pleinement vivant et en contact avec les merveilles de nos corps qui travaillent, l'air frais, le son des gens et des oiseaux, et les couleurs changeantes du ciel.”

Ainsi, même si la méditation peut s’apparenter à “ne rien faire”, ne rien faire n’existe pas. Car même quand on est assis, avec aucune distraction, et reste là sans rien faire, on fait quelque chose de vital sans même plus en être conscient : on respire. La respiration, l’oxygène, est la base de tout, et la méditation aide à nous le rappeler. Se focaliser sur l’inspiration et l’expiration est bien souvent la porte d’entrée à l’état méditatif. Et les vertus de la méditation ne sont plus à démontrer. Il est aujourd’hui reconnu en Occident (mais reconnu depuis des siècles en Asie) qu’elle aide à : mieux dormir, réduire le stress, la concentration, diminuer la tension artérielle.


Ne Rien faire pour accéder à l’imagination et être créatif Enfin on sait aussi en psychologie que ne rien faire facilite la créativité. Les enfants n’ont plus vraiment le temps de ne rien faire, ils ont un emploi du temps presque égal à ceux de leurs parents qui ne leur permet plus de s’ennuyer et l’on sait que l’ennui est générateur de créativité. Le cerveau quand il n’est plus sollicité par des activités imposées, réglées, cadrées ou chronométrées, peut enfin s’évader, créer de lui-même, imaginer!


Sauvons le “rien faire” en faisant quelque chose de fondamental : juste rien quelques minutes.


1.Peace is every step, Thich Nhat Hanh ici en PDF (La sérénité de l’instant, en français mais je n’ai pas le PDF) 2.”La nature a-t-elle horreur du vide?” https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3294

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